1943-1945 “Du Vercors à l’Autriche”

Régis de MIOL-FLAVARD
Mon engagement dans le maquis et la 1ère Armée Française

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Régis de MIOL-FLAVARD
Mon engagement dans le maquis.

Comme pour beaucoup de jeunes de mon âge, l’engagement dans le maquis du Vercors, c'est-à-dire dans la Résistance, relève d’un ensemble de causes : mon refus de la défaite, mon refus de subir une occupation impitoyable, mon refus de la relève et du STO, ma volonté d’agir pour ma liberté et celle de tous mes compatriotes, l’exemple du général de Gaulle, l’exemple de certains de mes amis. Une telle décision n’était pas simple, mais je l’ai portée en moi, je l’ai accomplie. C’est ce qui me permet de vous parler aujourd’hui.





Collection Fondation Maréchal de Lattre


Le quotidien dans le Vercors

Cours d’armement : fonctionnement d’une mitrailleuse

Cours d’armement : fonctionnement d’une mitrailleuse


Il faut d’abord apprendre à vivre dans un environnement nouveau, dépourvu de toutes les commodités. Il faut apprendre à vivre en groupe, avec des camarades inconnus. Il faut accepter la discipline et les ordres de “chefs” à peine plus âgés et dont l’expérience des combats est souvent limitée. Il faut apprendre le maniement des armes.
Il faut apprendre à se cacher. Il faut se déplacer sans bruit, sans se faire voir. Il ne faut éveiller aucun soupçon alors qu’il faut prendre contact avec des habitants, ne serait-ce que pour obtenir un peu de ravitaillement, et si possible des informations sur les déplacements de l’ennemi. Il faut éviter les patrouilles allemandes omniprésentes dans les vallées.

La vie d’un maquisard est une vie de danger permanent.
La vie d’un maquisard est une vie de combat. Il s’agit de porter des coups à l’ennemi, de monter des embuscades, d’anéantir des patrouilles, de gêner ou de retarder le plus possible des déplacements ennemis en perdant le moins possible d’hommes, en ne laissant aucun blessé aux mains de l’ennemi.
Dans le Vercors nous avons vécu un quotidien impitoyable. Les attaques allemandes de juin-juillet 1944, par les routes, les “pas” (cols escarpés que l’on ne franchit qu’à pied), ou les airs, amènent à l’anéantissement de nombreux groupes de maqui- sards. Vers le 23 juillet l’ordre de la dispersion est donné.

Le quotidien dans le Vercors a été un quotidien éprouvant.
Le maquis du Vercors a servi la cause de la liberté. Il a contribué à la libération du territoire métropolitain, à sa manière, en fixant de nombreux soldats allemands, parmi les meilleurs. Il a privé le commandement allemand de troupes d’élite au moment du débarquement de Provence.

Brassard porté par Régis de Miol-Flavard

Brassard porté par Régis de Miol-Flavard dans le Vercors

15 août 1944 : Le débarquement de Provence

Des moyens impressionnants : 2250 navires, dont 500 navires de guerre, 2000 avions, 500 chars transportés. Les troupes, 250 000 hommes qui regardent l’horizon les yeux pleins de larmes : la France enfin !

Débarquement sur les plages de Provence

Débarquement sur les plages de Provence - Collection Fondation Maréchal de Lattre

Un débarquement aux conséquences majeures

La Résistance, par son héroïsme et ses sacrifices, a fortement contribué à la libération du territoire national mais il fallait à la France une force militaire. L’armée qui débarque, l’armée d’Afrique devenue l’armée de Lattre, la future Première Armée Française, replace la France dans la guerre, aux côtes des Alliés. Par ses victoires, elle légitime la France dans le camp des vainqueurs. De plus, la Première Armée Française donne au général de Gaulle la force militaire dont il a besoin pour soutenir son action politique.

Mon intégration dans l’Armée de Lattre

A Lyon avec Jean-Etienne Durand en tenue de chasseur alpin

A Lyon avec Jean-Etienne Durand en tenue de chasseur alpin


La consigne était de sortir du Vercors (manœuvre très difficile) tout en continuant d’agir contre les Allemands qui battent en retraite dans la vallée du Rhône. Après de nombreux accrochages, notre groupe sort du Vercors au nord de Romans. Il parvient, tout en combattant, à faire sa jonction avec les FFI lyonnais dans la nuit du 2 au 3 septembre 1944 et à participer à la libération de la ville.

Avec un de mes camarades, Jean- Etienne Durand, je décide de m’engager pour la durée de la guerre. Nous sommes incorporés, à la fin de septembre, dans l’Armée B, la future 1ère Armée Française.

Du Rhône aux Vosges

Mon unité participe à la course-poursuite. Ce sont des combats incessants. Nous poursuivons une armée qui bat en retraite mais qui cherche à enrayer notre capacité offensive. Très rapidement, je rejoins la 5ème Division Blindée près de Vesoul. Je suis bientôt affecté à l’État-major du 12ème GERDB – groupe d’escadron de réparation –, dont la mission consiste à aller dépanner, le plus souvent sous le feu de l’ennemi, des chars endommagés. A chaque intervention, le risque d’être blessé ou tué est grand car nous représentons des cibles faciles, sur des chars à l’arrêt.

Réparation sur place d’un char endommagé. Fumigène de protection

Réparation sur place d’un char endommagé. Fumigène de protection

Le 20 novembre, à 7 h 30 du matin, un groupe d’hommes pénètre dans Belfort. La libération de la ville commence. En fin d’après-midi les chars sont au cœur de la ville. Belfort est libérée. Le 24 décembre nous assistons à la Messe de minuit à Sainte- Marie-aux-Mines. Court instant de répit. Moment très émou- vant, moment inoubliable.
Le 20 janvier 1945, la Première Armée, malgré la neige et un froid intense (le thermomètre marque -20°) attaque dans toute l’Alsace. Le 30 janvier, avec des unités américaines mises aux ordres du général de Lattre, les premiers éléments de la 5ème DB parviennent aux lisières de Colmar. Bientôt les chars de la 5ème DB entrent dans Colmar. Le 2 février, le sous-lieutenant André Sciard et le brigadier-chef Michel Serves sont parmi les premiers au cœur de la ville : place Rapp.

Rouffach

Après la victoire de Colmar, je suis désigné pour suivre l’Ecole des cadres de Rouffach. Mon stage dure du 20 février au 30 mars 1945. Il est intense et d’une extrême rigueur. Les cours théoriques alternent avec de durs exercices physiques : baignade dans une eau à la surface gelée qu’il faut casser, réveil en pleine nuit pour des marches de 10 km ou plus dans la neige et un vent glacial. Au moins deux fois par semaine le général de Lattre se livre à des inspections très rigoureuses. En un temps record nous étions opérationnels. Nous étions tous des engagés volontaires... et heureux d'avoir été désignés pour ce stage.

L’Allemagne

Régis de Miol-FlavardLe 31 mars je regagne mon unité avec le grade d’aspirant. Le 1er avril nous franchissons le Rhin, à Germersheim, à 10km ausud de Spire, sur un pont de bateaux capable de supporter le passage de chars de 30 tonnes.
Nous poursuivons l’ennemi à travers le massif de la Forêt Noire. Les Allemands sont en déroute mais nous avons beaucoup à craindre de tireurs isolés. Je suis nommé interprète. Je dois assurer des traductions tant pour les populations civiles que pour les nombreux prisonniers qui affluent chaque jour.
Le 8 mai 1945, je suis à Bludenz, en Autriche. C’est là que j’apprends la capitulation de l’Allemagne nazie. Notre joie est intense mais je suis encore loin d’être démobilisé.

Juin 1945, État-major du 12ème GERDB à Tettnang

Juin 1945, État-major du 12ème GERDB à Tettnang

Avec mon unité je suis dirigé sur l’Allemagne. J’appartiens dorénavant aux troupes d’occupation.
En mars 1946, je suis démobilisé sur place. Je ne rentre pas pour autant en France. Je suis nommé professeur assistant de Français dans un lycée à Trèves puis à Radolfzell, sur les bords du lac de Constance.

Régis de Miol-Flavard et ses élèves de Seconde du lycée Radolfzell en 1946-1947

Régis de Miol-Flavard et ses élèves de Seconde du lycée Radolfzell en 1946-1947

Le général de Lattre tenait beaucoup à ce qu’un enseignement de la langue et de la culture françaises puisse être dispensé aux jeunes Allemands dans la perspective d’une future construction européenne.

La Seconde guerre mondiale m’a conduit des maquis du Vercors à l’Allemagne. Dans mon engagement j’ai connu des heures terribles mais aussi des moments de grande joie. J’ai servi pour mon pays et pour mes compatriotes. J’ai été un jeune, parmi d’autres jeunes, qui a refusé l’asservissement, qui a combattu pour la liberté de la France et la défense de ses valeurs.

Crédit photos : Collection Régis de MIOL-FLAVARD (sauf mention contraire)